L’ORDRE ET L’ANARCHIE

d’après Mesure pour mesure, de William Shakespeare

conception & direction
Nicolas Foray

scénographie & costumes
Laure Catalan

création & interprétation
Lonis Bouakkaz, Bénédicte Carmagnolle, Tristan Diquero, Nicolas Foray, Paul Fortini, Hadrien Marielle-Trehouart, Milena McCloskey, Léa Merlhiot, Thomas Nordlund, Rebecca Vaissermann


création dune nuit et un jour pour l’église Santa Maria d’Olmeto
festival de l’Olmu 2019

Des corps anonymes cherchent comment ça fonctionne entre-eux, et puis aussi, comment ça fonctionne en-eux : leurs corps dans leur corps. Ils se débarrassent de leurs organisations. Parfois ils trouvent leur équilibre et peut-être fugacement une joie. Parfois ils tombent et s’abîment dans la maladie, dans les délires et dans la masturbation, dans la contrainte et la brutalité.

Angelo, régent rigoriste et abstinent, réinstaure l’Ordre dans une Vienne en proie à la violence des corps. Il condamne l’essence même du problème : la vie. Mais cet ange, incarnation unique de la Loi toute entière, concentrant dans sa seule bouche et dans son seul cœur tous les pouvoirs, s’effondre sous un désir immense. Il veut la pure Isabella. Il est rongé par la tumeur d’une Vertu devenue Fantasme.

Car le désir on dirait, peut tout renverser. Il prend les corps et sape leurs fondements d’organisation : il fait philosopher des sexes, caresser des yeux. Il retourne les peaux comme des gants, toutes viscères dehors, hurlantes et bouillonnantes.

Et parfois ce n’est pas si terrible que ça. Souvent même il nous fait danser, sauter, nous glisser en-dehors de nos préconceptions et de nos « connais-toi toi-même ». On se découvre dans de nouvelles peaux, avec de nouveaux yeux. Ce que nous avons toujours vu apparaît inédit, et une caresse devient aussi puissante qu’un orgasme.

Mais on ne peut sans doute pas dire tout ça en 75 minutes. Et comme dans ce Mesure pour mesure dont ne reste que quelques ossements de scènes, parmi les plus sauvages et tragiques, il faut prélever, concentrer, resserrer le protocole d’expérimentation. On gardera alors celui-ci :

Le Corps sans Organes est désir, c’est lui et par lui qu’on désire. Le désir va jusque-là, tantôt désirer son propre anéantissement, tantôt désirer ce qui a la puissance d’anéantir. — Felix Guatari & Gilles Deleuze, Mille Plateaux


production soleil mercure avec le soutien du festival de l’Olmu et de la Mairie d’Olmeto

crédits photographique Baube