QUAND TOMBENT LES CERTITUDES

  • Le sens des choses s’efface tellement facilement. Dans le dévoiement des mots et les abus du pouvoir, dans la dépression et la solitude forcée, lorsque nos organisations sociales et intimes semblent devenir des prisons. À tous ces instants où toutes les notions, tous les concepts et les modèles dont nos philosophies regorgent semblent désespérément vains, voire mensongers.

    C’est à partir de cette sensation de la réalité qui s’effrite entre nos doigts que soleil mercure souhaite développer ses travaux. Là où l’on ne sait plus que penser, et là où l’on n’est plus tout à fait sûr de ce que l’on est.

    Lorsque l’être humain arrive dans ces zone-limites, tout devient possible, dans l’horreur comme dans le renouvellement de soi. Ces zones irrationnelles, pleines de sons, d’images, de murmures et de cris, sont la matière des spectacles que nous nous dédions à créer.

    Ce qui se revendique comme réalité a ses limites, nous l’éprouvons quotidiennement sans que les mots nous viennent toujours pour le dire : un théâtre peut advenir à partir de ce doute, un théâtre qui revendique, lui, l’imaginaire, le déploiement de ses immensités, de mondes entiers encore inadvenus, un théâtre qui s’amuserait à désosser le réel pour le faire apparaître dans ses claudications et ses toussotements.

    Ce théâtre tâcherait sans cesse de dilapider son propos, et de ne prendre comme seule certitude que l’insaisissable de nos sensations singulières et communes. Il chercherait à s’inscrire en nous avec l’ambivalence du souvenir, comme ces visions dont on n’est jamais certain de l’origine.

    C’est pourquoi le déploiement de ces immensités irréelles doit se faire avec peu de moyens, en revendiquant son artificialité : des bouts de rien qui viennent chercher nos imaginaires individuels, sans les écraser, tout au contraire en les provoquant, en les incitant à sortir. Ces bouts de rien sont un langage enfantin, changeant, désobéissant, mutin. Vivant.

    Ce langage passe par la musique et la manipulation poétique du son, par des assemblages plastiques et visuels de fond de tiroirs et de résidus de chantier. Ce langage, il a en son centre un monde en lui, tout offert : un corps humain bougeant, tremblant, résonnant parfois d’écritures littéraires qui sont comme des langues à part, un corps qui se déploie lui-même, par ses gestes intérieurs et extérieurs, dans toute sa physicalité irréelle. Du bruit, des matériaux moindres et des écritures, tout cela qui composent des atmosphères denses où des êtres se débattent pour trouver quelque chose qui existe, et à partir de quoi pouvoir exister.